jeudi , 25 avril 2024
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Fin avril, l’équipe de la présidence était encore mobilisée pour concocter une politique générale de l’Etat à présenter aux députés. Au final, c’est un exposé en français dont le contenu rappelle l’Agenda pour la relance économique publié par les experts de la Banque mondiale en 2010, donc la politique préconisée par les bailleurs de fonds, qui a été présenté par le premier ministre Kolo aux députés.

Gouvernement Kolo : une politique trop vague, peu de mesures concrètes

C’est un fait. Le tandem Rajaonarimampianina-Kolo va réaliser le programme de la Banque mondiale pour Madagascar. Il n’y a pas à s’offusquer dans la mesure où l’institution de Bretton Woods va contribuer à plus de 1,5 milliard de dollars pour l’amélioration des secteurs sociaux et la relance économique dans le pays. Est-ce un choix par dépit, une stratégie imposée ou une réelle volonté politique ?

La PGE est bâtie sur quatre axes : la gouvernance démocratique et Etat de droit ; la croissance inclusive, l’emploi et développement du territoire ; l’accès à des services sociaux de base, valorisation du capital humain ; la protection de l’environnement. Le premier ministre exige de l’éthique et de la performance chez ses ministres, avec des objectifs et des indicateurs de résultats. « Vous allez devoir aller d’un point A vers un point B, ne prenez pas une trottinette ni une bicyclette, prenez plutôt un Boeing », a lancé Roger Kolo sur le ton de la plaisanterie. Seulement, ce point B reste inconnu des citoyens, ni des bailleurs de fonds, tant que document de la PGE n’est pas abouti et n’atteint pas le degré de précision et de clarté d’un Madagascar Action Plan.

Le premier ministre reprend les grandes lignes de la bonne gouvernance définie par la Banque mondiale pour Madagascar, à savoir une justice impartiale, des organes de contrôle, un équilibre des pouvoirs, décentralisation des ressources… Il a mentionné la restauration et le maintien de la sécurité des biens et des personnes, évoquant la lutte contre les attaques à main armée en ville. Il occulte ainsi de facto la recrudescence du phénomène « dahalo » mettant en opposition meurtrière les voleurs de zébus, d’un côté, les populations et les forces de l’ordre, d’un autre côté.

Les populations sont appelées à participer aux fruits et aux efforts de la croissance. Afin d’accélérer cette dernière, le gouvernement va redynamiser les secteurs productifs et accroître les revenus des producteurs en milieu rural. La PGE cite des solutions pour créer la croissance comme la construction d’infrastructures, la modernisation, un nouveau cadre légal pour le secteur minier, la réorganisation du secteur touristique, la diversification des échanges en matière de commerce international.

Des mesures sociales et administratives

Lors de la présentation de la politique générale de l’Etat à l’Assemblée nationale, le premier ministre a évoqué les principales mesures que le gouvernement va prendre pour relancer l’économie. Paradoxalement, elles ne sont pas de nature économique. Trois fonds seront créés, le premier consacré aux secours d’urgence et humanitaires, le deuxième à la solidarité et le troisième à l’insertion. Le gouvernement s’engage à consolider le processus de décentralisation. « Il faut qu’on se fasse violence et le réaliser », a réitéré le premier ministre. Il préconise « la cohérence et la synergie entre les départements ministériels ».

Si les grandes infrastructures sont au cœur de la relance économique promis par le nouveau président, le chef du gouvernement a parlé vaguement de désenclaver les localités et construire des routes. Il s’est engagé plus fermement sur la fin du délestage, les effets de la coupure de l’électricité étant de plus en plus lourds pour les entreprises. « Il faut résoudre ce problème, nous allons nous y mettre, croyez-moi », a-t-il insisté.

Les mesures annoncées par Kolo Roger sont loin de rassurer quant à l’atteinte des indicateurs définis. Le gouvernement devra être plus pointilleux avec les programmes sectoriels en termes d’actions et d’indicateurs chiffrés. Le discours tenu devant les députés ne pourrait jamais convaincre les bailleurs de fonds, à l’instar de l’Union Européenne qui va bientôt analyser l’octroi du 11ème FED à Madagascar. La cohérence des objectifs chiffrés de la PGE, à savoir une réduction de 7 à 10 points du taux de pauvreté par un taux d’investissement de 25% du PIB et par la création de 500 000 emplois reste à démontrer, cela même si une croissance à 10% est atteinte dès 2015.

Les députés peuvent soumettre des suggestions ou des rectifications à la PGE lors du premier face-à-face avec les membres du gouvernement. La politique du gouvernement peut être renforcée par un vote de confiance à l’Assemblée nationale ou au contraire, frappée par une motion de censure qui obligerait le premier ministre de revoir sa copie, ou pire, de remanier son équipe. Déjà, le premier ministre a été interpellé par les députés sur l’urgence de la lutte contra la pauvreté, les trafics de bios précieux et l’insécurité généralisée dans les régions du sud, sans être véritablement remis en question. Avec une majorité présidentielle qui vient de prendre le pouvoir à la Chambre basse, Roger Kolo peut dormir tranquille.