La pêche aux investisseurs a été bonne, forcément quand la rivière s’appelle China. On savait déjà la politique des Chinois sur les ressources minières en Afrique. Madagascar serait-il privilégié, car les investissements chinois seront répartis dans plusieurs secteurs. Le pays prévoit de grandes infrastructures et cela tombe bien, c’est la spécialité des chinois qui ont et l’argent et le savoir-faire. Routes, ports, aéroports sont parmi les projets proposés. Une enveloppe d’aide de 42 milliards d’ariary est même avancée pour renforcer le partenariat avec le gouvernement malgache.
Des investissements non sans risques pour le pays
Pour Serge Zafimahova, membre influent de la société civile et auteur de travaux de veille sur les ressources naturelles de Madagascar, « les entreprises chinoises n’ont pas d’état d’âme sur les pratiques qui ressemblent à de la corruption ». Il souligne que les entreprises occidentales sont tenues par des obligations de transparence et une opinion publique, car elles sont cotées en bourse. « Si le pays contractant est faible, les pratiques sont balisées, ajoute-t-il. Les entreprises asiatiques n’ont pas cette contrainte ».
Le constat dressé par le président du CDE est un signal d’alarme : « Nous, partie malgache, vendons notre pays. Les compagnies chinoises profitent de notre approche vénale avec des intérêts personnels. Toutefois, c’est aussi dangereux de faire des négociations globales, si ce n’est pas avec une équipe très rigoureuse dans la gestion d’Etat. Notre pays va mordre la poussière. Tous les dirigeants vont s’enrichir et il serait même difficile de les déloger du pouvoir. Il y a un vrai danger. Or l’approche chinoise est plus logique : « voilà la réserve dans le gisement, pour tant d’années d’exploitation, ça rapporte tant, voici notre deal ». Par exemple au Ghana, ils ont mis sur la table 10 milliards de dollars, en disant on veut telles concessions pour tant d’années d’exploitation ».
Serge Zafimahova concède que ces investissements chinois pourraient être profitables pour notre pays. « Par contre, les Chinois ne se soucient pas de ce que l’Etat contractant fait de leur argent même si les dirigeants détournent tout, prévient-il. C’est ce qui se passe en Afrique où l’on constate des dérapages dans certains Etats. Le Ghana ne s’en sort pas alors qu’on le pensait devenir le Monaco de l’Afrique. Le jeu de corruption était monté d’un cran soudainement ».
Le traumatisme Wisco
Des nombreux grands projets miniers en exploration à Madagascar, Wisco est sans doute le plus connu. La multinationale chinoise a cédé face à un régime opportuniste qui n’a pas mesuré la conséquence désastreuse de sa soif de gain immédiat. Elle a accepté de payer les 100 millions de dollars exigés par les autorités de la Transition pour « mise à disposition » des carrés concernés par le permis d’exploration de fer à Soalala. « Wisco est plus une victime dans cette affaire, même si on pouvait le soupçonner de corruption, souligne un analyste politique. En tout cas, cela montre que les Chinois sont déterminés et sont prêts à investir ».
Un consultant étranger travaillant à Madagascar au service des investisseurs dans le secteur minier confie que l’affaire a fait jaser même à Hong Kong. « Le grand patron de Wisco était intervenu sur une station de radio et il a parlé de 140 millions de dollars donnés à l’Etat malgache », raconte-t-il. Le lendemain, d’autres journalistes le questionnaient sur le chiffre exact. « Ai-je dit 140 000 millions ? C’est une erreur, c’est 100 millions », a répondu l’intéressé. Est-ce un lapsus révélateur. En tout cas, les experts de la Banque mondiale fustigent cet accord entre l’Etat et Wisco, car cela remet en cause le code minier et la loi sur les grands investissements. Payer autant d’argent pour faire de l’exploration est irrationnel, alors que la réserve n’est pas prouvée ni mesurée.
Serge Zafimahova, connu pour son militantisme contre le projet Mainland, est plus favorable à Wisco. « C’est un vrai grand investisseur qui a une approche transversale », dit-il, mettant en avant la construction d’une usine de transformation et la création d’emplois. « Cela n’a rien à voir avec les pratiques de voyous de Mainland » dont les violations en série des règlementations lui ont valu la suspension des activités. Cette société chinoise a commencé l’exploration d’ilménite avec une simple autorisation du chef de région. Elle a expédié des échantillons par milliers de tonnes, ce qui ressemblait déjà à une exploitation.