mardi , 16 avril 2024
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Le match du litchi, Madagascar – Afrique du sud : 1 – 1
Des camions livrant les cartons de litchi pour être embarqués dans un bateau au port de Toamasina

Le match du litchi, Madagascar – Afrique du sud : 1 – 1

La menace sud-africaine est encore virtuelle pour le litchi de Madagascar. L’enjeu de la compétitivité n’est pas d’actualité, permettant la perpétuation d’un système et d’un contexte commercial voué à l’échec dans un avenir plus ou moins proche. L’Afrique du Sud exporte de la variété Red Mc Lean qui n’a pas les qualités gustatives que la variété locale de la Grande Ile. Seulement, la demande du marché tient en compte du gabarit du fruit, l’élément qui attire en premier les consommateurs européens. Techniquement donc, les importateurs préfèreraient le litchi sud-africain si ce dernier arrivait sur le marché en même temps que le litchi de Toamasina. En 2010, Madagascar avec ses 19 350 tonnes exportées a perdu 19% tandis que l’Afrique du Sud a gagné 150% pour atteindre les 3 000 tonnes. Le prix import sur le marché français a été à cette époque de 0,40 à 0,70 euro /kg pour la Grande Ile et 1,50 à 1,70 euro pour son concurrent.

Pour le Groupement des Exportateurs de Litchis (GEL) et les deux importateurs avec qui il est sous contrat, le plus important c’est de maintenir l’arrivée des produits de Madagascar avant les fêtes de Noël sur les marchés en France. « Après les fêtes, les Européens consomment moins, le marché est donc restreint. En plus, il y a la concurrence des fruits venus d’Afrique du Sud », déclare Christophe Andréas, Directeur exécutif du CTHT. Faut-il pour autant éviter cette concurrence et exporter à une période où Madagascar profite d’une exclusivité. D’après les données de l’Union européenne, le litchi sud-africain s’écoule régulièrement et cela à un prix supérieur à celui de Madagascar alors que la variété Red Mc Lean est moins appréciée par les consommateurs européens en termes de goût. Cette supériorité sur le plan gustatif est un atout pour les litchis de Toamasina qui lui évite d’être rejeté par les importateurs ou par les consommateurs finaux.

Pourquoi éviter la concurrence sud-africaine alors que leur fruit est moins bon et coûte plus cher. Leurs avantages comparatifs sont d’avoir un calibre plus gros, répondant aux exigences des importateurs et d’arriver sur le marché à une époque où le litchi de Madagascar n’est plus disponible. Les exportateurs malgaches et ses partenaires importateurs français s’accommodent de ce partage de calendrier, au grand dam des producteurs. Les récoltes sont de plus en plus retardées à cause des paramètres météorologiques et biologiques. « Pourquoi ne pas organiser un deuxième envoi par bateau après les fêtes », se demande Léon, président de l’Association de producteurs. Il y aurait de la place puisque les Sud-Africains n’exportent que 3000 t/an sur une production d’environ 6000 t. La livraison de quantité réduite explique en partie leurs succès, c’est-à-dire arriver à tout vendre et à un bon prix.

Pour faire face à cette concurrence sud-africaine que l’on ne pourra pas éternellement éviter, Madagascar doit s’adapter. Si le GEL et les importateurs prennent le parti pris de fixer une date en fonction de la livraison en Europe, il est nécessaire d’améliorer les variétés de plantes afin de pouvoir livrer des litchis ayant un gabarit >30 mm. L’appauvrissement progressif de la variété locale et ancienne nuit à la qualité des produits de Madagascar : petit calibre, grand noyau, peu de chair, qualité gustative amoindrie… Une meilleure pratique agricole, avec un entretien régulier des arbres et l’arrosage, permet d’avoir de bons litchis locaux de 32 ou 34 mm. L’autre solution est de multiplier les vergers en vulgarisant des variétés nouvelles. Si l’Afrique du Sud adopte cette solution la première, elle aura un argument décisif pour écarter Madagascar. Pour le moment, elle arrive à vendre grâce au gabarit du litchi. S’il rectifie le goût, l’affaire est dans le sac. Il faut cependant une quinzaine d’années pour opérer la mutation, de planter de nouvelles variétés dans un véritable verger. Seulement, le produit sud-africain a déjà montré des signes de changements dans les années 2000, avec notamment une unité de la couleur et de la taille.

A. Herizo