samedi , 27 avril 2024
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Tension sociale : Ambatovy sur un terrain miné
Travailler pour Ambatovy est un privilège, mais apparemment pas le même pour tous

Tension sociale : Ambatovy sur un terrain miné

Malgré des efforts indéniables en termes d’intégration, la société Ambatovy est en train de vivre une période trouble dans ses relations avec une partie de ses employés malgaches et des paysans mécontents pour diverses raisons. A l’origine de la grève sont le décès d’un salarié et l’arrestation de deux autres. La direction de la société minière dénonce un mouvement irrégulier dans un pays où la spontanéité et l’émotion rendent anecdotique le délai de préavis.

La victime a en effet eu un « malaise » dans la zone chantier. Le cas d’AVC ne pouvait être traité à la clinique de l’entreprise et le patient avait été acheminé par ambulance vers Moramanga. Les médecins de cette petite ville de la RN2 ont décidé de le transférer à Antananarivo. Malheureusement, selon les grévistes, l’ambulance de l’entreprise n’a pas été autorisée à évacuer le malade malgré l’urgence de la situation. Ce sont les employés qui ont cotisé pour affréter un autre véhicule spécialisé.

Une discrimination objective à défaut d’être juste

La procédure interne aurait été fatale au salarié d’Ambatovy. Selon les médecins dans la capitale, la prise en charge était trop tardive, ce qui n’a pas permis de sauver le patient. Il n’en fallait pas plus pour déclencher la colère des ouvriers et autres salariés nationaux qui dénoncent un « mauvais traitement » et une « discrimination ». Ils déplorent qu’un salarié étranger soit tout de suite évacué par hélicoptère et envoyé à l’étranger pour y bénéficier des meilleurs soins, alors qu’un malgache est traité dans la clinique de l’entreprise avant d’être envoyé à Moramanga et pas plus loin.

Cette différence de prise en charge a une explication simple : l’assurance santé. Le salaire très élevé des expatriés permet une meilleure couverture alors que les nationaux bénéficient d’un « minimum » qui est déjà beaucoup par rapport au standard local. Cette inégalité objective est mal perçue par les salariés qui réclament un même traitement.

Le syndicat des salariés de la compagnie d’exploitation de mines de nickel et cobalt reproche à l’employeur de ne pas avoir pris la défense de leurs collègues embourbés dans une affaire de trafic de carburant. Il s’agirait de faux bons de livraison facturés à l’entreprise. Le syndicat soutient que la signature de leurs collègues a été imitée par les employés de la compagnie de distribution pétrolière. Ceux-ci étaient censés être entendus comme témoin, mais ont été retenus par les enquêteurs pour complicité. L’entreprise qui se trouve dans la peau de la victime n’a pas pris position en faveur de ses deux salariés présumés innocents aux yeux de leurs collègues.

Un client insatisfait et des fournisseurs mécontents

Les décisions aussi rationnelles qu’objectives des dirigeants d’Ambatovy sont décidément incompatibles avec la sensibilité et la subjectivité des Malgaches. Parmi les autres foyers de tension sociale, on peut citer la réduction par la compagnie de certaines commandes auprès de paysans producteurs. « La qualité exigée n’est plus assurée par certains fournisseurs », commente un responsable de la compagnie. Si Ambatovy commandait 100 kg auparavant à un fournisseur qui n’arrive plus à livrer de bons produits, il s’autorise à faire jouer la concurrence.

Quelque 700 fournisseurs bénéficient de contrats avec la compagnie. Tous doivent respecter un cahier de charge. Certains paysans malgaches ont parfois du mal à avoir les produits conformes à ces normes très exigeantes. Ce qui conduit la compagnie cliente à s’approvisionner auprès de plusieurs fournisseurs pour avoir la même quantité avec la même qualité attendue. Cette logique implacable n’exclut pas le mécontentement des concernés.

A. V