Six pilotes et un mécanicien leaders du mouvement de grève de salariés d’Air Madagascar ont bénéficié d’une liberté provisoire. C’est une petite victoire pour les syndicalistes qui n’envisagent pas pour autant de lever la pression sur le gouvernement. Ce qui a changé c’est que les premiers concernés ne peuvent plus s’exprimer librement, étant limités par la mesure de justice. C’est le moment choisi par le ministre chargé des Transports de donner sa version des faits à la veille du vote d’une motion de censure contre le gouvernement.
Pour rappel, les revendications des grévistes d’Air Madagascar étaient motivées par une mauvaise gestion supposée de la compagnie et surtout l’éviction de 4 hauts responsables dont le PCA, le DG, le DG de l’aviation civile et le ministre du Tourisme, des Transports et de la Météorologie. Ulrich Andriantiana a donné un autre son de cloche qui permet de réévaluer les responsabilités et l’irresponsabilité de chaque partie dans ce blocage coutant de l’argent à la compagnie et des désagréments sans précédent aux usagers. Il rappelle que le PCA et le DG ont été choisis par les actionnaires en Assemblée générale. Le ministre évoque l’existence de 600 petits actionnaires, omettant de préciser leur poids dans la décision, l’Etat détenant pratiquement 80 % des actions.
Quoi qu’il en soit, le directeur général, cadre d’Air Madagascar et ancien directeur d’exploitation aurait été choisi pour ses compétences. Plus surprenant, Henry Rabary-Njaka, l’avocat et ami du chef de l’Etat, ne serait pas aussi novice que certains le croient en aviation. Le directeur de cabinet de la présidence de la République est un spécialiste du droit aéronautique, mais aussi un « pilote » membre d’un aéroclub en France. Ulrich Andriantina affirme ne pas avoir l’intention de s’accrocher à son fauteuil si le président de la République ou le premier ministre le démettent de ses fonctions. Il soupçonne les grévistes de semer le trouble et de ne pas se soucier de la faillite de la compagnie.
Une plainte justifiée difficilement
Le jeune ministre des Transports avait un temps réfuté que c’est son département qui a porté plainte contre les leaders syndicaux alors que c’était son secrétaire général qui l’a déposée. C’est désormais assumé : le sabotage économique parce que de nombreux secteurs d’activités comme l’artisanat, l’hôtellerie, la restauration, le commerce, le taxi… pâtissent de la grève d’Air Madagascar, l’association de malfaiteurs pour une supposée virulente tentative d’empêcher un pilote de décoller. La propagation de fausses nouvelles pour des informations et des suppositions dont la véracité est contestée.
Mauvaise stratégie, la plainte contre les meneurs de grèves a provoqué un élan de solidarité chez les différents syndicats, qui menacent de réaliser une action collective et d’envergure. La liberté provisoire est perçue comme un moyen de priver les leaders syndicaux de parole. De plus, l’arbitrage du juge attendu pour régler le problème ne peut se faire tant que la procédure pénale n’est pas annulée, sans oublier que la défense a aussi déposé une requête auprès de la Haute cour constitutionnelle pour dénoncer la violation de l’article 33 de la Constitution portant sur la liberté syndicale.
Pour le ministre Andriantina qui se targue d’être lui-même un syndicaliste, la Constitution ne peut cautionner une grève illimitée et sans service minimum dans le cas d’Air Madagascar. Il regrette que les autres syndicats se ruent pour défendre des pilotes qui ne travaillent pas mais continuent à percevoir leurs salaires de 5 millions d’ariary, pouvant atteindre 35 millions d’ariary avec l’ancienneté, sans penser aux usagers et aux opérateurs victimes de la grève. Le ministère et la direction générale de la compagnie sont contraints de trouver des solutions « tip top » ou provisoires pour que des vols puissent prendre le départ. Le blocage continue puisque les grévistes veulent discuter avec le président de la République après une rencontre infructueuse avec le premier ministre. Ulrich Andriantiana n’a plus les cartes en main malgré sa volonté de relancer la discussion.
A. Herizo