vendredi , 29 mars 2024
enfrit
Une pratique mystique, toujours étrange pour les occidentaux, pratiquée surtout sur les hauts-plateaux mais également sur les côtes au cours de la saison sèche, pendant l?hiver austral : le famadihana.

Danse avec les morts

Exhumation des morts pour les revêtir d?un nouveau linceul, tel est l?objet de cette pratique, qui choque souvent l?½il occidental non averti : « jouer » ainsi avec le cadavre putréfié d?un membre de la famille semble à première vue être du non sens absolu. Mais le famadihana, malgré le fait que son origine exacte soit floue, constitue une des pratiques « endémiques » de la Grande Ile, dont les significations sont multiples.


 Tout commence généralement par un rêve fait par un des descendants du défunt, qui raconte ensuite à la famille que Untel, décédé depuis quelques années, a froid. Les préparatifs commencent alors, et le Mpanandro, le devin malgache, y est associé depuis le début. Aucune décision ne peut être prise sans son aval, et en premier lieu la date du famadihana. Le jour venu est une occasion pour la famille concernée de se retrouver et d?inviter tout le monde pour une fête grandiose : banquet, musique des mpihira gasy et danse précèdent la cérémonie proprement dite.


 Au signal du devin, la porte du caveau est descellée, les hommes sortent les cadavres un par un. On les pose alors sur des nattes neuves, sur les genoux des femmes. Interdiction absolue de verser des larmes, mais l?émotion est toujours grande lorsque l?on reconnaît un proche, par son costume, sa chevelure, qui ont résisté au temps et qui sont visibles par les multiples déchirures du linceul usé par le temps ? interdiction également de mettre le défunt en contact avec la terre, de laisser des lambeaux de linceul tomber à même le sol, de mélanger les restes de la partie inférieure du corps (les pieds) avec celles de la tête, etc. Ces tabous diffèrent légèrement en fonction des familles ou de l?endroit, mais les principes de base restent à peu près identiques : le famadihana est un événement où la joie doit primer.


 Recueillir la bénédiction des ancêtres, puisqu?il s?agit de cela, ne doit jamais s?opérer dans la tristesse. Lorsque tous les corps sont ainsi exhumés, les dignitaires du village ou le mpanandro selon le cas invoquent les esprits des ancêtres, leur demande leur bénédiction et leur protection pour les années à venir, par un discours. Puis les corps sont ré enveloppés par de nouveaux linceuls en soie, toujours en faisant bien attention à ce qu?aucune parcelle des restes des razana ne se perde. A cette occasion, il arrive que des corps soient assemblés dans un même linceul, pour les époux par exemple, une sorte de matérialisation de leur union éternelle ; ou bien pour les « razambe », ou les ancêtres lointains, pour que leurs corps ne fasse plus qu?un, à l?image de leur esprit.


 Les corps ainsi revêtus sont portés sur les épaules, et avec des danses, on leur fait faire sept fois le tour du tombeau, au rythme des tambours, des violons et des trompettes. Après cette ultime danse, les corps sont replacés dans le caveau ? discours de remerciement pour l?assistance, et chacun rejoint sa demeure, auprès des vivants.


 Cette pratique du famadihana est commune à tous les malgaches, quelle que soit leur religion, les ancêtres et leur culte constituant ainsi un ciment pour les membre de la famille et pour la société. Le famadihana constitue une occasion pour les vivants de se retrouver et de se pardonner. C?est également une des occasions pour permettre aux hommes de reprendre le contact avec les esprits de leurs ascendants décédés, de parler avec eux pour leur signifier que les vivants pensent encore à eux et ont besoin de leur bénédiction pour continuer à vivre. Comme les familles dépensent parfois beaucoup pour la bonne tenue des festivités, cela est considéré par certains comme un « investissement sacré », par lequel on escompte la protection des ancêtres pour le futur.