Disparition de Raoul : le guide de Mahaleo rejoint les étoiles pour devenir poussières

Il ne s’appelait pas vraiment Raoul. On l’appelait « Raolona » ou l’homme qui, par déformation, est devenu ce prénom français qui l’accompagnera durant toute sa vie d’artiste. Comme son frère cadet « Dama » Razafimahaleo – le nom du groupe est tiré de son patronyme – Raoul n’avait pas de prénom mais s’en est fait un dans le milieu artistique malgache. L’exposition médiatique de Dama avait fini par convaincre que l’ancien député était le leader du mythique groupe. Ce n’était que les apparences puisque en bons malgaches, les membres de Mahaleo avait un profond respect pour l’aîné, le sage, le grand frère. Ils l’appelaient affectueusement le « Dinosaure ». Le véritable guide était bien Raoul.

Le poète

La force de Mahaleo est la présence de quatre compositeurs de talent qui donne au groupe une variété intéressante dans le style folk à la malgache qu’il a inventé. Sur ce terrain, ceux qui se sont hasardés à les copier n’ont pas réussi à convaincre le public. Raoul n’était pas le plus prolifique mais ses chansons ont été parmi les préférées des fans. A part la poésie et l’amour, il faisait une peinture de la société avec plein engagement. Il avait notamment dénoncé la corruption et la destruction de l’environnement. De véritables chansons à textes qui rencontraient chez le public une écoute attentive.

Dans sa chanson « Rivotra » (le vent) qu’il avait écrite an 1982, Raoul dénonçait la division de la société selon les groupes et ethnies et qui finit par opposer les gens, les uns aux autres. Il craignait que ce la finisse par nous faire perdre notre humanité : « Est-ce la terre qui est fatiguée ou ses habitants qui sont épuisés ? Est-ce la terre qui est désolée ou ses habitants qui sont terrassés ? Et je me demande où tout cela va nous mener ? La population est résignée, abrutie, désemparée ».

Dès 1972, à l’époque de la création de Mahaleo, Raoul s’était distingué par ses textes exceptionnellement matures pour un jeune homme d’à peine 20 ans. « Voankazo voarara » (le fruit défenduà est un vrai hymne à l’Amour du prochain : « Aimons-nous tant qu’on est en vie – C’est même notre raison d’être ici – Il faut se dévouer et s’entraider – Et les nuages finiront par se dissiper. Demain, nous finirons tous en poussière – Puisqu’il s’agit de parler de la vie – Nous serons os et poussière sous terre – Il faut retenir qu’elle se résume à ceci : nous avons tous les mêmes attributs – car nous avons goûté au fruit défendu ».

L’homme engagé

Son engagement dépassait la frontière de la musique. Raoul n’hésitait pas à se servir de sa notoriété pour critiquer les tenants du pouvoir et défendre son pays. Il n’avait toutefois jamais concrétisé son engagement en se lançant dans la politique comme l’a fait son frère Dama. Le « dinosaure » de Mahaleo  était l’une des rares personnalités artistiques à avoir osé critiquer les actuelles autorités de transition, leur reprochant d’être incapable de trouver une solution à la sortie de crise. Il était contre les revendications nationalistes de l’autorité de fait, estimant que Madagascar ne peut vivre en autarcie, écartée de la communauté internationale. Le docteur Raoul avait aussi dénoncé le « Françafrique ». 
 
« Raoul » Raosolosolofo Razafindranoa habitait à Toamasina où il vivait assez modestement. Il était plus dans la vraie vie, le médecin d’un dispensaire qu’une immense vedette de la chanson. Ce diplômé de la médecine sociale en Roumanie consacrait ses heures libres à la musique. Raoul était un luthier car il aimait créer les instruments. Sa disparition laisse un grand vide au sein du groupe Mahaleo et auprès des millions de fans qui le vénèrent depuis presque 40 ans. Raoul manquera à la célébration du 40ème anniversaire de Mahaleo en 2012.  Il reste avant tout à espérer que le groupe veut bien continuer sans lui.