Le métier de l’information est globalement mal perçu par l’opinion à cause de maux systémiques et sans doute des pratiques contraires à l’éthique. Quand on voit une personnalité médiatique dont l’avis est aussi indispensable que recherché, on se demande si celle-ci n’est pas rémunérée à titre de consultant vu le nombre de ses interventions dans les médias. A Madagascar, c’est l’inverse. La personne paie pour passer à la télé, pour avoir une page dans un journal, un temps d’antenne à la radio… « Non, je ne demande pas à être présent dans les médias, ce sont les journalistes qui viennent à moi et à chaque fois je vous assure qu’ils s’attendent à ce que je leur donne quelque chose. Quand on passe dans une émission télé, il y a une personne de l’équipe qui vient vous dire, vous avez eu 1 heure de temps d’antenne, c’est beaucoup, cela coûte x ariary ». Et quand la personnalité en question tombe sur un journaliste qu’il ne connaît pas, il doit demander avec une certaine gêne combien cela va lui coûter. Heureusement pour elle, il y a toujours ceux qui lui répondront : « rien, c’est nous qui vous remercions pour votre disponibilité à éclairer l’opinion ».
Dans le milieu, les journalistes montrent du doigt les imposteurs qui ternissent l’image du métier. « Ils organisent une conférence de rédaction en centre-ville à 8 heures du matin pour s’échanger des informations sur les évènements potentiellement lucratifs du jour », s’indigne une journaliste radio. Elle se sent particulièrement offensée, car ces pseudo reporters se présentent comme employés par une station de radio soi-disant basée en périphérie de la capitale. La petite enveloppe aujourd’hui donnée publiquement aux journalistes fait toujours débat. Est-ce de la corruption quand il s’agit officiellement de remboursement de frais ?
« Il ne faut pas faire de l’hypocrisie, les gens qui organisent une conférence ou un évènement savent que cela motive une rédaction à envoyer un journaliste, car elle n’aura pas à demander des notes de frais ; tant que cela n’influe pas le contenu de l’article, il n’y a pas scandale », soutient un journaliste de presse écrite. « Parfois, l’évènement est de nature tellement commerciale que l’article sera forcément publicitaire, là on la mérite l’enveloppe. Sauf que l’éthique n’est pas toujours sauve quand il s’agit d’agir en fonction du contenu de l’évènement. Il y a des thèmes sociaux que le journaliste doit promouvoir rien que par civisme. « Malheureusement, il y a du financement derrière ces projets ou organismes et ils ont besoin de médiatisation, ils doivent faire appel au service des médias et des journalistes», analyse un consultant en communication. « Oui, on veut bien indemniser les journalistes, mais le souci est que, quand on invite une vingtaine, il y a cinquante qui viennent», témoigne un responsable relation presse.
L’attribution de la carte professionnelle de journaliste est une occasion de faire le ménage. Sur quelque 1350 demandes, 200 ont été refusées. Rien n’indique que l’ivraie est définitivement séparée des bons grains. Il suffit de travailler 3 ans dans un média en tant que journaliste avec une formation de secrétaire ou de comptable et vous avez une carte de presse. Dommage qu’il ne suffit pas de conduire pendant 3 ans pour avoir son permis B. La bonne nouvelle est que la commission a finalement décidé d’intégrer les web journalistes qui travaillent pour le site web d’information d’une entreprise locale, de presse ou non. Durant la transition, deux web journalistes ont exceptionnellement reçu la carte de presse avec les amitiés du ministre, l’un est un journaliste travaillant comme blogueur d’un site très partisan et l’autre un responsable de relation presse qui est aussi rédacteur en chef d’un agrégateur de contenus. Cette fois-ci, les vrais journalistes en ligne et les sites pure players sont récompensés.
A-t-on vraiment besoin d’une carte professionnelle quand on est journaliste à Madagascar ? « Oui, vous n’aurez pas accès à des évènements officiels, pas sûr que votre carte maison passe à la présidence ou à la primature », répond un journaliste radio. Son confrère de la presse écrite n’est pas aussi catégorique : « nous, ils connaissent notre journal, ce n’est pas un problème. Pour moi, il est tout aussi important de se présenter en tant que journaliste à un paysan agriculteur qu’à un ministre ». Un journaliste qui a fait sa spécialité les informations économiques et sur les entreprises affirme lui ne jamais avoir eu besoin de carte de presse : « cela fait plus de 15 ans que je suis dans le métier, je n’ai jamais demandé une carte professionnelle. Ce n’est pas cela qui vous rend meilleur, mais votre professionnalisme, votre réseau et votre passion pour le métier». Au fond, on est journaliste ou on ne l’est pas. Ce n’est pas une carte professionnelle ni le fait de travailler pour un patron de presse qui y changeront quelque chose.