jeudi , 28 mars 2024
enfrit
Pour quelques centaines de manifestants, chauffés à blanc par des leaders politiques sans repères, l'on parle souvent de situation survoltée. Le temps semble au kamikaze politique. Des hommes et des partis politiques ne disposant d'aucune légitimité populaire revendiquent le droit de s'exprimer, et de siéger au sein du gouvernement.

Manfestant et émeutiers : Qui condamner?

Si ce n’est un suicide tout court, c’est bel et bien un suicide politique. Les hommes de l’opposition semblent complètement divaguer, et jettent leur dévolu sur une pratique politique d’un autre âge. Celle de la subversion et du discours raciste. L’opposition au nouveau régime, aujourd’hui, est incarnée par deux formations politiques qui, pour l’instant, ne souhaitent guère coaliser : le CRN et le KMMR. Deux formations qui, à défaut de nombre d’élus suffisants à l’Assemblée nationale, ont choisi la rue pour s’exprimer. Quitte à affronter au mieux, des éléments des forces de l’ordre payés pour garantir l’ordre public, d’autant que les meetings débouchent souvent sur des actes de vandalisme, et, au pire, des bandes de jeunes exacerbées qui n’hésitent point à en découdre.


A Mahamasina, en plein centre d’Antananarivo, la capitale, le 7 juin, le KMMR organise un rassemblement public certes légalement autorisé mais dans une ville où 75% de la population semblent, a priori, très hostiles à sa politique. Tout a été, en vérité, prévisible. Et les ténors du KMMR, l’ancien comité de soutien à Marc Ravalomanana, en étaient sans doute parfaitement conscients ? l’incertitude se lisait sur leur visage crispé en début du meeting ? mais ont toutefois préféré avancer, tête baissée. La veille, l’association ZMM regroupant des jeunes des quartiers populaires de la capitale et qui, en 2002, avait assuré la sécurité des meetings de la place du 13 mai durant les revendications politiques qui ont débouché sur le départ de l’ancien dictateur Didier Ratsiraka, avait lancé un avertissement clair. L’association a même reproché aux autorités de la ville d’avoir autorisé un meeting qui ne pourrait qu’attiser la colère des habitants de la capitale majoritairement rangés derrière le président Marc Ravalomanana, comme les sondages l’attestent. Et ce qui devait arriver arriva. Le meeting, on le sait, a été « dispersé » par un groupe de jeunes. Et si les ténors du KMMR pouvaient sortir indemnes de ce cafouillage, c’est par chance. Car la foule, en furie, en voulait visiblement à leur vie.


Le KMMR savait pertinemment qu’il s’aventurait en terre hostile. Même si ses leaders se considèrent comme des « défenseurs » de Marc Ravalomanana, tout en exigeant, il est vrai, le départ de son Premier ministre. Les discours devaient alors insister, ce 7 juin, sur le soutien du KMMR à Ravalomanana. Sans avoir eu l’effet escompté. Sa position ambiguë continue d’exaspérer les partisans du nouveau président.


Le CRN, dirigé par l’ancien président Albert Zafy, lui, donne l’impression de jouer sa dernière carte. Ce groupement radical de l’opposition menace de mettre en place son « gouvernement » de transition. Avec le soutien des quelques centaines de manifestants qu’il a pu réunir, le 7 juin également, à Toamasina (Est), l’ancien fief de Didier Ratsiraka. Le CRN, en quête de chair à canon, a insisté à organiser son meeting sur un site interdit, car localisé à une cinquantaine de mètres d’une maison de détention, et a feint d’ignorer l’endroit indiqué par les autorités, à Barikadimy, pour l’organisation du meeting. Albert Zafy, lui aussi, savait que la manifestation allait être réprimée. Car illégale.


Pourquoi l’opposition persiste-t-elle alors à continuer dans la voie de la déraison et de l’illégalité, tout en sachant que, colère de la foule ou raison d’Etat oblige, ses actes ne peuvent que déboucher sur des affrontements. Beaucoup semblent, aujourd’hui, avoir oublié qu’en 1992, un certain Laha Gaston était mort pour avoir franchi l’infranchissable en conduisant la foule vers une zone militarisée où le forum national avait lieu, à la suite du mouvement populaire de 1991. Et qu’en 1971, au sud de Madagascar, consécutivement à une révolte paysanne calquée sur celle de Mao en Chine, 3000 militants, sous la férule du parti MONIMA, avait péri sans avoir pu ébranler le pouvoir du premier président de la République, Philibert Tsiranana.


Après un an passé à la magistrature suprême, Ravalomanana garde la confiance de pouvoir faire, au bout de son premier mandat, un pas vers le progrès. Des têtes bien pensantes cherchent tous les moyens de trouver, quelque part, du sang versé à mettre sur son compte. Elles sont en passe de réussir. Elles dirigent, à chaque meeting, une foule de quelques centaines ou de quelques milliers de personnes au maximum, devant l’inéluctable répression qu’elles cherchent à tout prix à provoquer. Qui condamner alors? L’opposition joue en effet actuellement la carte de la désespérance et celle du pourrissement. Tout en risquant, inexorablement, l’enlisement.